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Me Hélène Montreuil, Avocate
Quelques notions et problèmes éthiques

Helene



Socrate et l'éthique ou comment ne pas dire n'importe quoi

Socrate est un philosophe grec né vers 470 et mort en 399 avant Jésus-Christ. Il est considéré comme l’un des inventeurs de la philosophie morale et politique.

Socrate n’a laissé aucun écrit, mais sa pensée et sa réputation se sont transmises notamment par les témoignages de ses disciples Platon et Xénophon qui ont notablement œuvré à maintenir l’image de leur maître dans leurs œuvres respectives.

Vers 435 av. J.-C., il commença à enseigner, dans la rue, dans les gymnases, les stades, les échoppes, au gré des rencontres. Il parcourait les rues d’Athènes vêtu plus que simplement et sans chaussures, dialoguant avec tous.

Test des Trois Passoires

Socrate avait, dans la Grèce antique, une haute réputation de sagesse.

Quelqu’un vint, un jour, trouver le grand philosophe et lui dit :

Sais-tu ce que je viens d’apprendre sur ton ami ?

Un instant, répondit Socrate. Avant que tu me racontes, j’aimerais te faire passer un test, celui des trois passoires.

Le test des trois passoires?

Mais oui, reprit Socrate. Avant de raconter toutes sortes de choses sur les autres, il est bon de prendre le temps de filtrer ce que l’on aimerait dire. C’est ce que j’appelle le test des trois passoires.

La première passoire est celle de la vérité. As-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai?

Non. J’en ai seulement entendu parler.

Très bien. Tu ne sais donc pas si c’est la vérité. Essayons de filtrer autrement en utilisant une deuxième passoire, celle de la bonté. Ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ?

Ah! Non. Au contraire.

Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur lui et tu n’es même pas certain qu’elles soient vraies. Tu peux peut-être encore passer le test, car il reste une passoire, celle de l’utilité.

Est-il utile que tu m’apprennes ce que mon ami aurait fait ?

Non. Pas vraiment.

Alors, conclut Socrate, si ce que tu as à me raconter n’est ni vrai, ni bien, ni utile, pourquoi vouloir me le dire ?



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Quelques considérations éthiques

Que préféreriez-vous si l’on vous donnait le choix entre une vie réelle remplie de souffrances ou une vie virtuelle exempte de toute souffrance?

Dans une situation d’urgence, devons-nous vraiment sauver les femmes et les enfants d’abord?

Et si nous le pouvions, serait-il moralement justifié de remonter le temps pour tuer Adolf Hitler alors qu’il n’était encore qu’un bébé?

Ce n’est là qu’un bref échantillon des questions auxquelles certains chercheurs tentent de répondre par le biais de la philosophie expérimentale.

Dans l’esprit de la plupart des gens, la philosophie se présente comme une activité hautement spéculative et abstraite, au point où l’expression « philosophie expérimentale» peut sembler contradictoire. Il est vrai que la tradition philosophique s’est construite sur une méthode qui repose principalement sur la justification a priori, mais l’intérêt de la philosophie expérimentale relève précisément du fait qu’elle mise sur les connaissances empiriques, c’est-à-dire des connaissances acquises par l’observation et l’expérimentation, pour alimenter la recherche en philosophie.

En tant que nouveau mouvement philosophique, la philosophie expérimentale se démarque donc par son approche originale, laquelle repose avant tout sur des expériences de pensée et des mises en situation concrètes dont le principal objectif est de tester certaines hypothèses traditionnellement proposées par la philosophie. En ce sens, la philosophie expérimentale se rapproche aussi beaucoup des sciences cognitives et de la psychologie sociale.

De manière générale, il s’agit de mieux comprendre les processus psychologiques intrinsèques qui mènent à l’intuition philosophique. On vérifie alors si ces «intuitions ordinaires» divergent d’avec les raisonnements des spécialistes, ou encore si elles varient selon certains facteurs comme le sexe, l’âge ou la culture des participants. Cela permet notamment de questionner la prétention à l’universalité qui anime la philosophie depuis ses origines. Car bien que nous aimions croire que nous sommes des êtres libres et rationnels, le fait est que nous sommes plus souvent mus par les émotions que par la raison. Ce faisant, nous sommes en droit de douter qu’il existe des règles morales universelles, ou à tout le moins qu’il serait possible de les découvrir par la seule activité de notre raison.


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Dilemme éthique du tramway


Parmi les diverses expériences de pensée proposées en philosophie expérimentale, la plus célèbre est sans contredit le dilemme du tramway, dont il existe d’innombrables variantes — parfois loufoques — sur les réseaux sociaux.

Le problème est le suivant : vous apercevez un tramway qui fonce à toute allure sur un groupe de cinq travailleurs, mais en raison des bruits ambiants, ceux-ci ne l’entendent pas. Si vous ne faites rien, ils seront donc renversés par le tramway.

Par chance, il y a tout près de vous une manivelle qui permet de dévier le tramway vers la voie de service sur laquelle ne se trouve qu’un seul homme.

Que faites-vous? Actionnez-vous la manivelle, oui ou non?


Dans ce premier cas de figure, la réponse paraît simple et intuitive. Puisqu’une seule mort vaut mieux que cinq, alors il faut actionner la manivelle et «sacrifier » l’homme qui se trouve sur la voie de service. Simple, non?

En fait, pas vraiment. Car si nous changeons quelque peu les paramètres de l’expérience, les choses se corsent et le raisonnement selon lequel une seule mort vaut mieux que cinq ne semble plus aller de soi.

Imaginez, par exemple, qu’on vous dise que les cinq personnes qui se trouvent sur la voie principale ne sont pas que de simples travailleurs, mais des pédophiles récidivistes. Ou encore, que l’homme sur la voie de service est l’inventeur d’un remède contre le cancer.

Actionneriez-vous toujours la manivelle?



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La théorie du commandement divin

La théorie du commandement divin ou encore du volontarisme théologique est une position méta-éthique qui consiste à fonder la morale sur la volonté divine: ce qui est bien et mal, c’est ce que Dieu veut. En d’autres termes: ce qui est juste coïncide avec ce que Dieu veut.

On a parfois voulu voir dans le dilemme d’Euthyphron, exposé par Platon, la problématisation de cette « théorie »: les dieux commandent-ils ce qui est juste parce que c’est juste ou est-ce juste parce que les dieux le commandent ?

Affirmer que la justice dérive d’un commandement divin pose plusieurs problèmes philosophiques, qui ont nourri les discussions à ce propos.

En effet, si ce qui est bien dérive de la volonté divine, ne doit-on pas alors parler d’une fondation arbitraire des valeurs ?

En d’autres termes, aurait-il suffit que Dieu veuille autre chose pour que ce qui est considéré comme mal, soit considéré comme bien ?

Ou faut-il dire que la volonté divine était liée à l’entendement, et que Dieu n’était donc pas libre de décider arbitrairement du bien et du mal ?

D’autre part, quand bien même le juste serait ce que Dieu veut qu’il soit, comment pouvons-nous connaitre ce juste ?

Il s’agit ici d’un problème propre au cognitivisme éthique : en admettant l’objectivité et l’universalité des valeurs dans le cadre d’une religion monothéiste et universaliste, comment connaitre ce qui est bien ou mal ?

Il s’agit là d’un problème posé par Jeremy Bentham.

Puisque, selon lui, la volonté divine ne peut être réduite à la volonté révélée dans les Écritures, puisque celles-ci ne peuvent ni fournir un fondement à l’ordre juridique moderne, ni même fonder notre propre comportement privé sans interprétation de leur sens, comment savoir ce qu’est sa volonté ?

Bentham inverse ainsi le rapport entre le juste et la volonté divine : nous pouvons être assuré que ce qui est juste est conforme à la volonté divine; mais pour connaître la volonté divine, il nous faut d'abord trouver un critère de détermination du juste. Toute la question va être de fonder ce critère…







 
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